Couche avec qui tu veux, je m’en fiche.

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Il y a quelques années, Dieu a guidé Marc, alors fraîchement converti, vers l'Église que je servais en tant que pasteur. J'ai eu la grande joie de l'accompagner dans sa formation de disciple et son baptême.

Marc était un évangéliste en herbe. Avec zèle, il partageait sa foi autant qu'il le pouvait, particulièrement avec Matthieu, son ami musicien professionnel.

Une blessure à la main empêchait Matthieu de jouer sa musique. Cette situation le préoccupait, car sa main refusait de guérir. Marc l'a donc encouragé à prier Jésus pour une guérison et, surtout, à se convertir. Marc ne faisait pas dans la dentelle. Il insistait auprès de son ami: “Si tu veux te convertir, tu dois arrêter de coucher avec des femmes!”

Matthieu était un jeune musicien talentueux, beau, qui accumulait les conquêtes et commençait à se faire un nom. Il incarnait tout ce que le monde valorisait. Depuis son adolescence, il n'avait jamais été célibataire, ne pouvant vivre sans être désiré et admiré. Il était convaincu qu’il allait réussir dans la musique et devenir une star. Mais sa blessure persistante a semé le doute sur sa vie et ses rêves.

Matthieu était sincère. S'il s'intéressait à Jésus, c'était parce qu'il souhaitait guérir et reprendre le cours de sa vie. Toutefois, au fil de leurs conversations, la curiosité a pris le dessus, et il a été intrigué par ce que Marc lui racontait sur Jésus. Ses nombreuses questions laissaient souvent son ami sans réponse. C'est pourquoi ce dernier m'a demandé de rencontrer Matthieu pour continuer la discussion.

J'ai suggéré à Marc que nous nous rencontrions tous les trois, afin de répondre ensemble aux questions de Matthieu. C'était une excellente opportunité de poursuivre la formation de Marc et de l'encourager dans sa foi.

Un lundi pluvieux, nous nous sommes retrouvés pour un café. Après quelques échanges préliminaires, Matthieu est allé droit au but avec défiance:

— Tu vas me dire que si je veux devenir chrétien, je ne dois plus avoir de relations avec mes conquêtes de Tinder. Moi, je te le dis direct, c’est mort. Je ne fais rien de mal et je ne vois pas pourquoi ton Dieu me demanderait de ne pas le faire!

J'ai pris un moment de réflexion avant de répondre calmement:

— Couche avec qui tu veux, je m’en fiche. Ce n'est pas ce qui m'intéresse.

Cette réponse l'a visiblement décontenancé. Marc, lui, me regardait choqué.

— Mais Marc m'a dit que je devais renoncer aux femmes pour être sauvé!

Je savais qu’il déformait un peu ce que lui avait dit son ami.

— Je comprends ce que Marc t'a dit, mais nous allons procéder par étapes. Je ne souhaite pas discuter de ce que la Bible dit sur la sexualité pour l'instant. D'ailleurs, cesser de coucher à droite et à gauche ne te sauvera pas. Je crois en effet que le cadre biblique pour la sexualité est celui que Dieu a créé pour notre bien. Cependant, tu as quelque chose de bien plus important à découvrir.

— Ah oui? Et quoi?

— Jésus.

Mon objectif derrière ma provocation

Mon objectif principal était de guider Matthieu à Jésus. Je voulais lui faire comprendre les raisons de sa venue, son enseignement et son sacrifice à la croix pour offrir la réconciliation avec le Père. Je tenais à ce que Matthieu réalise que ce qui le séparait de Dieu était bien plus grave que la multiplication de ses partenaires sexuels. Plus il apprendrait à connaître Jésus, plus il saisirait sa bonté et découvrirait en lui ce qu’il cherchait dans le monde: le repos. Peu à peu, il comprendrait la justesse des exigences divines et désirerait les suivre.

Ensemble, nous avons donc médité Matthieu 11.28-30:

Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et courbés sous un fardeau, et je vous donnerai du repos. Acceptez mes exigences et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. En effet, mes exigences sont bonnes et mon fardeau léger.

Au fil des semaines, Marc, Matthieu et moi avons cheminé ensemble. Jésus n'a pas guéri la main de Matthieu, il lui a offert un cadeau bien plus précieux: l'Esprit Saint. Matthieu est alors tombé amoureux de Jésus et a commencé à vivre comme son disciple. Il s'est repenti de ses péchés et a choisi de vivre selon la volonté de Dieu, rempli de joie.

Un jour, il m'a confié avec émotion: “Tu avais tellement raison, Raph! Je ne pouvais pas comprendre, mais maintenant, c'est clair pour moi. Lorsque j'explique à mes amis que je souhaite épouser une chrétienne et attendre le mariage pour vivre notre sexualité, ils me considèrent comme fou. Si seulement ils pouvaient comprendre la bonté du Seigneur!”

L’Évangile d’abord, l’éthique ensuite

Le problème fondamental de Matthieu n'était pas sa vie de débauche. Elle n'était qu'un symptôme de son problème fondamental: un cœur non régénéré.

Il devait naître de nouveau pour comprendre à quel point la loi de Dieu est bonne, son péché mauvais, et pour trouver son plaisir dans l’obéissance (1Co 2.14).

Le seul qui pouvait lui offrir cette nouvelle vie, c'était Jésus. C'est lui qu'il avait besoin de connaître.

Le Saint-Esprit a illuminé son cœur pour le convaincre de péché, de justice et de jugement, et il a révélé la gloire de Christ. Matthieu s'est alors totalement donné à Jésus. Il a goûté à quel point ses enseignements étaient bons pour lui. Il a trouvé le repos en lui et a appris à faire de la loi de Dieu ses délices.

L’Évangélisation dans la culture sécularisée

Si Matthieu avait grandi au sein d’une famille juive du premier siècle, ou au sein d’une famille évangélique conservatrice, il aurait été élevé avec la connaissance de la Loi de l’Éternel et aurait su qu’il vivait dans le péché. Ce sont des cadres où la Loi conduit à l’Évangile, car elle est connue et son autorité est reconnue (Ga 3.21-25).

Mais dans la société sécularisée, Dieu est un inconnu et l’éthique annoncée par l’Église est perçue a priori comme néfaste et bigote. La nature de l’éthique postmoderne est thérapeutique: le bien est mon bien-être. La Bible n'a donc, pour les gens, ni légitimité ni autorité pour juger notre manière de vivre.

Dans le contexte païen d’Athènes, Paul n'a pas utilisé la loi de Moïse pour amener à la foi, mais plutôt le sens de la divinité qu'avaient les Athéniens (Ac 17).

La Loi morale de Dieu est universelle. Elle est bonne pour tous les hommes et elle est enracinée dans le cœur de chacun, car nous sommes créés à son image. Cependant, elle fonctionne comme une boussole déréglée à cause de notre dépravation (Rm 1-2, que Paul a rédigé à Athènes). Elle n’indique pas toujours le Nord. Dans une société qui appelle le Nord "Sud", la Loi n'est peut-être pas le meilleur moyen de conduire à la repentance les personnes sans arrière-plan chrétien.

Il convient probablement mieux de les amener à réfléchir sur le fait que le monde ne leur donne pas ce qu'il promet et qu’ils sont créés pour trouver leur joie en leur Créateur. Il faut leur montrer pourquoi Jésus est digne de confiance et celui qui répond réellement à leur besoin de sens, d’idéal et d’espérance. À ce message, il faut également souligner l’importance de notre manière de vivre en cohérence avec ce message.

Dans tous les cas, l’obéissance à la Loi n’est pas un pré-requis pour s’approcher de Jésus. Au contraire, il faut reconnaître son incapacité à lui obéir et son besoin de pardon. Nous devons donc faire attention à ne pas mettre la charrue avant les bœufs et comprendre dans quel contexte nous évangélisons. L’obéissance découle de la foi. Nous devons en premier lieu exposer qui est Jésus, son message, puis l’éthique qui découle de l’Évangile comme démonstration de la sagesse de Dieu (Ép 4.1ss).

Enfants de famille chrétienne, même combat.

Les parents chrétiens qui ont des enfants qui s’éloignent de la foi sont inquiets, à juste titre. Plusieurs fois, des parents m’ont demandé d’intervenir auprès de leur progéniture pour tenter de les encourager à vivre conformément à ce que dit la Bible (sur la sexualité notamment).

En tant que père, je compatis totalement à leur désarroi et à leurs soucis. Je trouve courageux qu’ils confrontent leurs enfants à la Loi de Dieu. Il faut dénoncer le péché.

Mais attention à ne pas nous tromper de combat et de ne pas nourrir le légalisme en eux malgré nous. Le besoin primordial de nos enfants n’est pas de vivre selon la loi, mais selon la foi. Pour cela, ils doivent naître de nouveau. Seule une connaissance plus approfondie de Jésus, de son enseignement et du prix de sa mort à Golgotha, les poussera à saisir la grâce par le moyen de la foi.

C’est Jésus et la perfection de la nouvelle alliance que nous devons enseigner, encore et toujours.

En effet, la foi naît de la connaissance de Christ et c’est lui qui la mène à la perfection (Hé 12.2).

Raphaël Charrier

À 17 ans, Raphaël s’engage dans l’armée dont il est renvoyé moins de deux ans après. Il reprend alors l’école et obtient le bac à 23 ans. C’est à ce moment qu’il découvre la personne et l’œuvre de Jésus-Christ et place sa foi en lui pour être sauvé. Il poursuit ses études et devient Éducateur Spécialisé. Il s’oriente ensuite vers des études de théologie à l’Institut Biblique de Genève, puis à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-Sur-Seine, afin de se consacrer au service de l’Évangile.

Raphaël a été pasteur de l'Église Chrétienne Évangélique de Grenoble pendant 9 ans. Il sert désormais l'Église comme enseignant. Il est marié à Marion et ils ont deux enfants. Il est auteur du livre Vivre pour Jésus, qui a pour objectif d'aider les chrétiens à poser les bons fondements de la vie chrétienne, et coauteur de L'Évangile.net: 7 signes, une ressource d'évangélisation basée sur l'Évangile selon Jean.

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