Mon avis sur la communauté œcuménique de Taizé

ÉvangilePrédication et enseignementTémoignage

De plus en plus d'évangéliques sont attirés par l'immense succès de la communauté œcuménique de Taizé.

Chaque année, des milliers de jeunes venant de toute l’Europe se joignent aux frères du monastère de la communauté de Taizé pour prier, adorer Dieu, lire la Bible en petits groupes, vivre dans la simplicité et chercher la présence de Dieu. Historiquement, cette communauté rassemblait essentiellement des protestants réformés et des catholiques de divers pays. Depuis quelque temps, l’expérience d’une retraite spirituelle tente de plus en plus d’évangéliques.

Dans le cadre d’une formation, nous sommes allés avec quelques amis à Taizé. Nous avons bénéficié d’un super accueil. Nous avons échangé longuement avec l’un des Frères et avons assisté à l’office du soir. Autour de moi, on me demande régulièrement ce que j’en pense, et pourquoi je n’en ferais pas la publicité dans mon Église. Voici donc mon avis:

Les points positifs de la communauté de Taizé

1. La place de la prière et du silence: ce qui m’a frappé, c’est la quête de communion avec Dieu qui règne au sein de cette communauté. Après la fin des offices, les participants peuvent rester des heures dans le silence au sein de l’immense église pour prier à la lumière des bougies.

2. L’accueil: Taizé souhaite accueillir tout le monde. Chacun avec sa sensibilité peut y trouver sa place. L’ambiance de respect et d’amour y est sincère.

3. Les lectures des Évangiles: durant les offices quotidiens, des portions des 4 Évangiles sont lues, sans commentaire. Juste la lecture de la Parole. En tant qu’évangélique, je ne peux que me réjouir de cela.

4. La beauté: l’esthétisme des lieux, la lecture, les bougies, les mélodies et les silences transportent dans une atmosphère propice à l’introspection.

5. L’accent mis sur la réconciliation et l’amour.

6. L’idée de retraite spirituelle: chacun peut aller plusieurs jours pour y faire une retraite spirituelle, au rythme paisible des offices quotidiens, des partages et du silence. Dans notre société hyperactive, je suis convaincu du bienfait des retraites spirituelles. Faire une pause, se recentrer sur Dieu, chercher sa volonté et s’examiner. Qui n’en a pas besoin? Taizé en est un bon exemple et offre un cocon adéquat pour ses participants.

Je vous partage ce que j’ai vu durant la soirée. Je suis convaincu qu’il y en a plein d’autres. Mais selon moi, si ces points sont (réellement) positifs, ils ne justifient pas une participation des évangéliques à ce mouvement. Avant de me clouer au pilori, lisez la suite.

Les (gros) problèmes doctrinaux de la communauté de Taizé:

Lors de ma visite, notre groupe a pu discuter avec l’un des Frères de la communauté. L’une de nos interrogations était celle-ci: Comment arrivez-vous à faire communier et adorer ensemble catholiques, réformés, orthodoxes et évangéliques? N’est-ce pas en laissant de côté tout ce qui peut les diviser?

Sa réponse fut la suivante: « Nous refusons l’idée de nous rassembler autour du plus petit dénominateur commun. Nous reconnaissons nos différences, mais, par amour, nous allons au-delà, dans la communion que nous avons au nom du Christ. Plus nous sommes fermement attachés à l’essentiel, moins nous avons peur d’accepter les diversités qui ne menacent pas cet essentiel. »

L’intention semble louable, me suis-je dit. Après tout, nous nous réclamons tous du Christ et de la Bible; ne devrions-nous pas chercher ce qui nous rassemble? Mais faudrait-il encore définir ce qui est essentiel.

En effet, si on s’intéresse un minimum aux positions essentielles de Taizé, quoi qu’on en dise, il s’agit bien d’une communion reposant sur le plus petit dénominateur commun. Sachez qu’en tant qu’évangélique, vous devrez trouver comme non-essentiel les points suivants:

1. Le Christ n’a pas subi notre châtiment sur la croix

La lettre de Taizé 2004/3 affirme avec conviction:

la croix était l’instrument de notre salut (par exemple, Galates 6,14; Colossiens 1,20). Il n’est pas étonnant qu’on ait toujours eu du mal à saisir comment une telle horreur pouvait avoir des conséquences si heureuses. En fait, une telle incompréhension repose sur une équivoque qui vaut la peine d’être tirée au clair. Depuis des siècles, cette équivoque a exercé des ravages et a éloigné des multitudes de la foi dans le Christ. Elle consiste dans l’idée que la souffrance de Jésus en tant que telle posséderait une valeur salvifique. Autrement dit, Dieu le Père en aurait eu besoin, donc il y aurait eu en lui une certaine complicité avec la violence exercée contre son Fils unique. Il est presque suffisant de formuler cette thèse clairement pour s’apercevoir qu’elle est non seulement fausse, mais blasphématoire. Si Dieu ne désire même pas la souffrance et la mort des méchants (Ézéchiel 33.11), comment pourrait-il prendre plaisir à celles de son Fils bien-aimé, l’Innocent par excellence?

Ainsi, selon la communauté de Taizé, il est contraire au caractère de Dieu d’infliger au Fils le châtiment de nos péchés. La position exprimée ci-dessus tente donc d’effacer le scandale de la croix. Les doctrines de l’expiation et de la substitution pénale y sont décrites comme "blasphématoires".

Si l’expiation et la substitution pénale peuvent être des doctrines difficiles à admettre philosophiquement, elles demeurent lumineuses d’un point de vue biblique:

Le fait que Dieu transfère la culpabilité du pécheur au compte de Jésus ne fait aucun doute:

L’Éternel a fait retomber sur lui la faute de nous tous.

Ésaïe 53.6

Il [Dieu] l’a fait devenir péché.

2 Corinthiens 5.21

Et il fait ce qui nous semble impensable: il déverse sur lui la colère et le jugement que nous méritions:

Il a plu à l’Éternel de le briser dans la souffrance.

Ésaïe 53.10

C’est lui que Dieu a destiné comme moyen d’expiation pour ceux qui auraient la foi en son sang, afin de montrer sa justice. Parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant au temps de sa patience, il a voulu montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être (reconnu) juste, tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus.

Romains 3.25-26

Ainsi, Jésus “a enduré la mort sur la croix, en méprisant la honte attachée à un tel supplice” (Hé 12.2). Dieu l’a condamné comme un pécheur à notre place pour que, dans l’union avec le Christ, nous soyons juste aux yeux de Dieu. Il ne s’agit pas d’un blasphème, mais de l’Évangile.

2. L’enfer existe peut-être, mais le salut après la mort est probablement possible…

Difficile de comprendre la Lettre de Taizé 2005/6 quand elle tente de mettre tout le monde d’accord:

L’amour de Dieu est plus fort, comme le montre l’icône russe où le Christ descend au Shéol pour en rompre les portes et libérer les captifs. En conséquence, “le lieu de perdition” change radicalement de caractère. Loin d’être l’endroit où Dieu paraît absent, il manifeste désormais la réalité du péché à la lumière du Christ. Il traduit en catégories spatiales “la seconde mort” (Apocalypse 20.6), c’est-à-dire le refus obstiné d’accueillir l’amour que Dieu offre toujours et à tous. La notion d’enfer révèle ainsi deux facettes essentielles de l’amour inconditionnel de Dieu: il respecte pleinement la liberté humaine, et il reste néanmoins présent pour chacun, jusque dans son éventuel refus. Elle exprime, de façon paradoxale, la bonne nouvelle que la lumière brille partout, même pour ceux qui garderaient les yeux fermés par peur ou par dépit.

Cette situation est-elle définitive? Vus du dedans, nos enfers paraissent toujours sans issue. Mais existe-il vraiment une créature qui peut vaincre par son refus la patience de Dieu? Pauvre de Dieu, le Christ Jésus ne s’impose pas. Mais “il ne fléchira ni ne cédera” tant que sa mission de porter partout la paix ne sera pas accomplie (voir Isaïe 42.2-4), et sa faiblesse est plus forte que la force humaine (voir 1 Corinthiens 1.25).

Il y aurait donc un "enfer", à moins que ce soit une exagération de Jésus (voir même article) afin de nous faire réagir; mais dans tous les cas, Dieu nous aime et nous en libèrerait…

Ce qui me fait pâlir en lisant cet article, c’est qu’il tente de répondre à la question en mettant sur la touche la justice, la sainteté de Dieu et sa haine du mal. Dès lors, impossible de fournir la réponse claire de la Bible: l’Enfer existe et c’est la plus horrible des réalités. Il est la concrétisation de la punition éternelle pour l’offense faite au Dieu infiniment saint. En voulant arrondir les angles de l’Enfer, c’est la gloire de Dieu que nous offensons.

Et je constate que cela produit le même effet dans leur définition de l’évangélisation qui “n’est donc pas avant tout parler de Jésus à quelqu'un, mais bien plus profondément, le rendre attentif à la valeur qu’il a aux yeux de Dieu.” Mêmes causes, mêmes effets.

Pour plus de développements, lisez l’article que j’ai déjà écrit au sujet de l’Enfer.

3. La "mariolâtrie" à sa place dans l’adoration.

J’ai pris le temps de lire les paroles des chants. En une soirée, j’ai pu constater que Marie était bel et bien un sujet d’adoration de la communauté. C’est ici qu’il y a blasphème, même s’il s’agit de bons vieux classiques d’une certaine tradition.

La musique peut être aussi belle que possible, mais si c’est pour nous conduire à adorer une autre personne que le Dieu trinitaire, alors on tombe, selon la Bible, dans l’idolâtrie païenne. Même pour un chant.

4. Le baptême régénère

La Lettre de Taizé 2004/5 explique:

En ouvrant son cœur à la nouveauté de Dieu, le baptisé accueille un germe de Vie qui va le transformer et lui permettre de mener une vie nouvelle (voir 1 Pierre 1.22-23).

Approche plutôt sacramentelle donc, et il n’y a rien à y redire là-dessus puisque que c’est la doctrine enseignée au sein de l’Église catholique et chez les protestants réformés de la communauté de Taizé.

Pour faire court, elle consiste à faire du baptême d’eau le point de départ de l’union avec le Christ par la réception de son Esprit. Le baptême reçu par l’Église garantit ainsi le salut.

Ce qui nous unit à Christ, c’est l’acte surnaturel de la régénération par le Saint-Esprit auquel nous répondons par la foi en Christ.

Ainsi, alors que nous croyons à la foi qui sauve, Taizé affirme que c’est le baptême qui sauve…

Si vous souhaitez une étude exhaustive sur le sujet, rien de mieux que cette série sur Le Bon Combat.

Voici donc un mes 2 conclusions sur la communauté de Taizé:

1. C’est bien que cette communauté existe pour la France.

En étant "light" ou flou, on peut attirer beaucoup de monde, car on ne confronte pas beaucoup à la vérité. Et c’est peut-être une bonne chose dans une France de pluralisme religieux, pour permettre à des personnes de venir découvrir certaines facettes du christianisme: je me réjouis du beau succès auprès des non-chrétiens, ou de ceux qui ne le sont que de nom!

C’est un lieu qui est propice à ceux qui ont soif de chercher la présence de Dieu – et bien entendu Dieu agit comme il veut dans leur vie – d’autant plus que les Évangiles y sont lus chaque jour. En accueillant des milliers de personnes chaque année, Taizé nous rappelle que la France demeure en recherche spirituelle.

2. Un chrétien se réclamant de la foi évangélique devrait (vraiment) réfléchir à ce qui le motive à y aller.

Peut-être trouverez-vous ma théologie pointilleuse et mon esprit trop étroit? Mais je ne peux être gagné à l’idée d’une unité, tout aussi attrayante soit-elle, aux dépens des vérités essentielles des Écritures. Selon moi, la base de l’unité de Taizé est bien trop loin de celle voulue dans les Écritures. Ce n’est pas à nous, chrétiens, de définir ce qui doit nous rassembler, c’est à la Bible de le faire. Voilà ce que je crois. L’unité qui est obtenue par le sacrifice de la vérité ne vaut rien et la communion autour d’affirmations mortes est superficielle.

Je considère que les principaux dangers auxquels le siècle à venir sera confronté seront la religion sans le Saint-Esprit, le christianisme sans Christ, le pardon sans repentance, le Salut sans régénération, la politique sans Dieu et le paradis sans enfer.

Wiliam Booth

Raphaël Charrier

À 17 ans, Raphaël s’engage dans l’armée dont il est renvoyé moins de deux ans après. Il reprend alors l’école et obtient le bac à 23 ans. C’est à ce moment qu’il découvre la personne et l’œuvre de Jésus-Christ et place sa foi en lui pour être sauvé. Il poursuit ses études et devient Éducateur Spécialisé. Il s’oriente ensuite vers des études de théologie à l’Institut Biblique de Genève, puis à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-Sur-Seine, afin de se consacrer au service de l’Évangile.

Raphaël a été pasteur de l'Église Chrétienne Évangélique de Grenoble pendant 9 ans. Il sert désormais l'Église comme enseignant. Il est marié à Marion et ils ont deux enfants. Il est auteur du livre Vivre pour Jésus, qui a pour objectif d'aider les chrétiens à poser les bons fondements de la vie chrétienne, et coauteur de L'Évangile.net: 7 signes, une ressource d'évangélisation basée sur l'Évangile selon Jean.

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Orateurs

D. Angers