Peut-on être célibataire et sexuellement épanoui?

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Dans mon dernier article [ENG], j’ai passé en revue une partie du livre de Stan Grenz sur l’éthique sexuelle, en me concentrant sur la finalité et la signification du mariage et des relations sexuelles. Je consacre cet article à l’une des sections les plus fascinantes de son livre: la sexualité du célibataire.

Oui, vous avez bien lu. Sexualité et célibat dans le même chapitre. Dans son analyse, il fait bien plus que simplement proclamer: « Pas de sexe en dehors du mariage! » Les deux chapitres de Grenz sur le célibat (9 et 10) parlent beaucoup de la sexualité du célibataire, mais n’accorde que peu d’attention à la question des relations sexuelles en dehors du mariage.

Dans l’ensemble, l’analyse de Grenz est fantastique. Il élève le célibat bien plus haut que ne le font la plupart des gourous chrétiens du mariage. Ce qui m’amène à cette conclusion: je parie que Grenz a lu le Nouveau Testament! Il est clair que Paul serait confus face à l’idéalisation du mariage que fait l’église contemporaine. Jésus et Jean-Baptiste se sentiraient également à côté de la plaque, car ils ont servi en tant que… célibataires. Grenz écrit:

Les Églises conservatrices contemporaines attirent souvent l’attention sur la famille en tant que noyau. Les programmes de croissance de l’Église, par exemple, se concentrent sur les personnes mariées car l’Église est généralement considérée comme étant construite à partir des familles. En conséquence, les programmes s’adressent à la famille et le célibataire est facilement stigmatisé. Ils sont relégués à la périphérie de l’Église et de la vie d’Église. Les groupes de célibataires, même ceux qui reçoivent le soutien de l’Église, sont souvent considérés comme des groupes de rencontres pour trouver un conjoint chrétien.

p. 186

Grenz poursuit en indiquant que “le Nouveau Testament a apporté un changement important dans la conception du célibat et du rôle potentiel du célibataire dans le travail pour Dieu” (p. 189). Dit franchement, “Paul préférait clairement la vie de célibataire” (p. 188).

J’entends souvent les gens supposer que, puisque nous sommes des “êtres sexuels”, le célibat est une chose inhumaine à imposer à quelqu’un. À moins, bien sûr, qu’ils aient le bien connu “don du célibat” (plus de détails ci-dessous). Grenz montre qu’une telle vision suppose une conception plutôt étriquée de la sexualité. Cette vision manque de fondements bibliques et fait abstraction du rapport à la sexualité de Jésus, de Jean-Baptiste et de nombreux autres saints célibataires à travers l’histoire.

Les célibataires, comme toutes les personnes, sont toujours des êtres sexuels.

p. 190

Grenz explique (dans différentes sections du livre qui doivent être lues ensemble: p. 20-21, 210, 219-222, 243) que la sexualité est la dynamique qui sous-tend tout lien humain. Pour les célibataires, ce lien “est d’un ordre différent que celui trouvé dans le mariage” (p. 191), mais il ne s’agit pas d’une forme amoindrie de ce lien. Ce reste est néanmoins le résultat de notre sexualité. Après tout, le "désir sexuel" n’est pas la même chose que "le désir d’avoir des relations sexuelles" (pp. 20-21).

Êtes-vous d’accord avec cette dernière phrase? Personnellement, je n’en étais pas sûr…

Immédiatement, je me suis dit: “Oui!” Mais mon esprit sceptique a commencé à me dire: “Attends une minute. Ça a l’air louche…” J’avais besoin d’explications. Quelques éclaircissements sur cette phrase provocatrice. Grenz en a donné quelques-unes, bien que je me demande s’il a vraiment réussi à prouver sa thèse.

Pour lui, le "désir sexuel" fait référence au besoin que nous partageons tous de faire l’expérience de la complétude et de l’intimité au travers des relations avec les autres. Ce désir se rapporte à la dimension souvent appelée eros, le désir humain de posséder et d’être possédé par l’objet de son désir. Compris de cette façon, l’eros ne devrait pas être limité uniquement aux actes sexuels, mais devrait englober un large éventail d’activités et de désirs humains. Il participe même à la dimension religieuse de la vie sous la forme du désir de connaître et d’être connu de Dieu ( p 21).

Voici la Déclaration du Vatican sur l’éthique sexuelle:

Le sexe est perçu comme une force qui imprègne, influence et affecte chaque acte de l’être humain à chaque instant de son existence.

Ou encore un extrait de la dixième convention générale de l’Église luthérienne américaine (spéciale dédicace à mes amis luthériens!):

La sexualité humaine inclut tout ce que nous sommes en tant qu’êtres humains. La sexualité est au minimum biologique, psychologique, culturelle, sociale et spirituelle. C’est une grande partie de l’esprit comme du corps, de la communauté comme de la personne. Être une personne, c’est être un être sexuel.

p. 21

Grenz appelle tout cela “la sexualité affective” (il n’a pas inventé le terme). Il dit à ce sujet:

Toutes les relations sont sexuelles, dans la mesure où notre sexualité fondamentale est à la base de la quête de la communauté, ce qui conduit au processus de création des amitiés et d’y prendre plaisir.

p. 220

Je me souviens avoir lu quelque chose écrit par Wes Hill à ce propos… ou peut-être était-ce dans une conversation? Wes a décrit son homosexualité comme étant bien plus qu’un désir de relations sexuelles. Même les amitiés ont un lien profond avec la sexualité. Mon amie Julie Rogers a déclaré:

Au cours des 10 080 minutes qui s’écoulent dans une semaine, très peu de ces minutes (voire aucune) sont des pensées sexuelles envers d’autres femmes.

Pourtant, Julie dit que son orientation homosexuelle détermine la façon dont elle vit sa vie.

Je ne veux pas me laisser distraire par les questions liées aux mouvements LGBT, car ce n’est pas l’objectif Grenz dans son livre. Ce que Grenz essaie de dire, c’est que la sexualité est bien plus que le simple désir d’avoir des relations sexuelles et que, par conséquent, les célibataires peuvent vivre et s’épanouir en tant qu’êtres sexuels en dehors du mariage. Selon lui, on peut exprimer sa sexualité – en fonction de la façon dont vous la définissez – sans jamais avoir de relations sexuelles.

Et si vous n’êtes pas appelés au célibat?

Je pense qu’il y a beaucoup d’incompréhension sur ce que signifie "être appelé au célibat". Comme la plupart des clichés chrétiens. La notion d’être "appelé au célibat" trouve ses racines dans les Écritures (1Co 7), mais avec le temps, elle a pris de nombreuses significations qui ne sont pas issues du texte biblique.

Lorsque la Bible parle d’appel et de la vie de célibataire, il s’agit de vivre notre appel en tant que chrétien, que nous soyons célibataires ou mariés (démonstration de Paul dans 1Co 7). Le "don du célibat" n’est pas le désir ou la capacité d’être célibataire – humainement parlant, peu de célibataires peuvent le faire. Chrétiennement parlant, quiconque possède l’Esprit peut le faire. Au contraire, le don du célibat est le célibat lui-même

Si vous êtes célibataire, comment savoir si vous êtes “appelé au célibat”?

Jusqu’à ce que Dieu vous appelle à sortir du célibat pour vous marier, vous êtes appelés à gérer votre célibat, en tant que chrétien, pour la gloire de Dieu. Le terme "don" (charisme) est le même mot grec, souvent traduit par "don spirituel" ailleurs, et Paul définit de tels dons comme des “manifestations de l’Esprit pour le bien commun”. Ou, comme le dit Barry Danylak:

Un don spirituel n’est pas un talent ou un don pour un bénéfice personnel, mais une habileté divine donnée pour le bénéfice mutuel de renforcer la composition et la mission de l’Église.

Racheter le célibat, 199

Votre célibat est un don de Dieu pour le bien de votre communauté et pour la mission de Christ.

Le fait est que le mariage n’est qu’une petite partie de notre existence. Nous sommes tous nés célibataires et appelés à gérer notre célibat pendant les 20 à 30 premières années de notre vie.

La plupart d’entre nous seront appelés à sortir du célibat et à se marier, puis à gérer notre mariage à la gloire de Dieu. Mais la plupart d’entre nous, les gens mariés, seront de nouveau célibataires, dans cette vie, que ce soit par divorce ou par décès de notre conjoint. Nous passerons ensuite l’éternité avec Dieu à nouveau en tant que célibataires. Pourtant, nous ne serons pas vraiment célibataires. Nous ne ferons qu’un avec notre Créateur; mariés à Dieu.

L’épanouissement d’un être humain ne dépend pas du mariage et ne dépend certainement pas de ses relations sexuelles. Le mariage entraîne ses propres tentations et ses propres épreuves, et les relations sexuelles au sein du mariage entraînent souvent de la douleur (pour un tiers des femmes), de la frustration et d’autres problèmes que les personnes mariées n’admettent pas souvent. Penser que le mariage mettra fin à votre solitude et comblera vos frustrations sexuelles est un mythe.

De nombreuses personnes mariées souhaiteraient ne pas l’être (cf. statistiques sur le divorce et l’adultère) et “la majorité des personnes luttant contre des dépendances sexuelles et des habitudes compulsives liées à la pornographie sur Internet sont des hommes mariés” (Grant, Divine Sex, 109). Le fait est que nous sommes perturbés sur le plan sexuel et relationnel. Et seul Jésus, pas le mariage, peut résoudre ce problème. Jésus – lui qui était célibataire et qui est l’incarnation de l’épanouissement humain et de la joie.

Je ne veux pas minimiser les luttes spécifiques que vivent les célibataires. Mes amis célibataires me parlent de terribles périodes de solitude et de découragement (bien que mes amis mariés aussi). Oui, bien sûr, les personnes mariées expérimentent un avant-goût des délices célestes (bien que mes amis célibataires aussi).

Cependant, quelle que soit la façon dont vous les concevez, la souffrance et la joie ne sont pas opposées dans le royaume de Dieu. Lorsque Dieu nous appelle au salut, il nous appelle à participer aux souffrances de son Fils, afin que nous puissions également participer à la joie de son Fils.


Preston Sprinkle

Preston Sprinkle est professeur de théologie, conférencier et auteur à succès dans le New York Times.

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N. VanWingerden