Une compréhension théologique de la dépression

SouffranceCombat contre le péchéAccompagnement biblique

J’ai contribué l’année dernière à un petit livre intitulé The Pastor with a Thorn in His Side [ndt: « Le pasteur avec une écharde dans le corps »]. Ce livre raconte l’histoire de 7 pasteurs qui ont vécu une dépression pendant leur ministère. Steve Kneale a édité le livre, rédigé l’introduction et la conclusion et il raconte également sa propre expérience. Il relève les points communs de ces histoires et en tire quelques conseils pratiques. Il a également demandé à chacun des contributeurs de faire des commentaires sur son histoire personnelle. Le tout est assez concis pour une lecture rapide et aisée.

Le livre a reçu de bonnes critiques et des commentaires positifs, mais un certain nombre de personnes souhaitaient plus de conseils pratiques et un fondement théologique plus poussé. Ce sont des aspects effectivement indispensables, mais l’objectif initial du livre était d’avoir une approche générale du sujet. À mon sens, le meilleur endroit pour un contenu plus approfondi se situe dans des articles de blogueurs. Depuis la publication de ce livre, j’ai quelques fois, moi aussi, traité du sujet. D’autres contributeurs, dont Steve et Alistair Chalmers, ont également un blog et en parlent quand ils le jugent bon.

Je profite donc de l’occasion pour vous proposer des fondements théologiques à garder en mémoire pour parler de la dépression et de ses effets sur ceux qui ont un ministère. Que retenir? Je suggère ce qui suit.

Nous sommes faits pour être dans la joie

Certains d’entre nous se souviennent peut-être du livre de John Piper Desiring God: meditations of a christian hedonist, [en français: Prendre plaisir en Dieu: réflexions d’un hédoniste chrétien] et de la controverse à sa sortie parce qu’il parlait d’hédonisme chrétien. Piper soutenait que l’hédonisme, la recherche du plaisir et du bonheur, n’était pas mauvaise en soi.

Le problème venait plutôt de ce que nous ne recherchions pas le bonheur au bon endroit ni par les bons moyens. L’hédoniste chrétien, lui, découvre la joie et le plaisir en Dieu. La joie, le bonheur et le plaisir appartiennent à Dieu. Il se glorifie et se réjouit. Nous sommes conçus pour trouver notre bonheur en lui, nous réjouir en lui et le glorifier pour toujours.

Si nous ne sommes pas très à l’aise avec le concept même de l’hédonisme, on peut en comprendre le principe général et y adhérer quand même. Pour simplifier, dans l’histoire de la création, Dieu a créé un monde beau et bon dont on peut profiter. Quand Dieu se repose après sa création, cela prouve qu’elle contient à la fois, la joie, le plaisir et la jouissance.

Nous trouvons cela aussi dans les Écritures. David affirme:

Fais de l’Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. – Ps 37.4

Le Nouveau Testament exprime souvent ce désir-là: que la joie des croyants soit complète. Jésus dit:

Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela afin que ma joie demeure en vous et que votre joie soit complète. – Jn 15.10-11

Notre monde déchu s’oppose à la joie

Si la joie et le bonheur font partie intégrante de la création et de notre relation avec Dieu, nous ne devrions donc pas nous étonner que notre monde déchu soit en opposition avec notre joie. Nous avons un ennemi, le diable, qui veut nous en priver. Nous nous en rendons bien compte quand les conséquences du péché provoquent une profonde souffrance. Je ne suis pas en train de dire que la dépression est un péché en soi. Je dis simplement que nous vivons dans un monde où peine et douleur existent. La dépression en est juste un des aspects.

En effet, quand nous décrivons la dépression, nous nous arrêtons surtout aux symptômes et non à sa cause profonde. Nous décrivons un vécu avec une humeur dépressive, de l’anxiété, un grand manque d’énergie, des larmes, du désespoir, etc. Les causes d’un tel ressenti peuvent être variées:

  • Des causes physiques, qu’il s’agisse d’une maladie organique affectant directement l’esprit et les émotions, ou d’une maladie qui nous vide de notre énergie et nous conduit à nous isoler.
  • Des facteurs environnementaux: le monde dans lequel nous vivons et la manière dont il façonne notre expérience de tous les jours.
  • Les actions des autres, notamment les harcèlements, les abus, les trahisons et la négligence.
  • Nos propres actions, y compris des décisions ou des réactions pécheresses qui s’accompagnent d’un sentiment de culpabilité.

Repérer les causes possibles peut aider à réagir correctement. Cela peut inclure une ou plusieurs des solutions suivantes:

  • Traiter un état physique déficient et y intégrer du repos.
  • Prendre des médicaments pour traiter les causes et les symptômes de la dépression (par exemple la Sertraline).
  • Se protéger d’un environnement reconnu nocif.
  • Contester et corriger certaines actions de proches.
  • Se former et s’entraîner aux stratégies d’adaptation et à changer d’habitudes comportementales.

La relation d’aide intégrera un diagnostic, en discutant avec la personne pour qu’elle puisse identifier les causes potentielles de sa dépression. Elle pourrait aussi suivre une des récentes formations aux stratégies d’adaptation.

J’insiste, ce dont nous parlons ici, à propos de la dépression, concerne une certaine forme de souffrance.

Nous avons besoin d’une théologie solide sur la souffrance

En tant que chrétiens, nous nous appuierons sur cette théologie pour comprendre et répondre aux effets de la dépression. En tant que tels, nous savons que nous pouvons souffrir ici-bas, même et surtout quand nous cherchons à mener une vie pieuse (cf. 2 Tm 3.12).

Lorsque nous parlons de la souffrance, nous voulons nous rappeler que Dieu est souverain, qu’il a le contrôle sur tout et que rien ne le surprend. Nous devons également parler de son amour et de sa bonté. Qu’il fait toutes choses pour le bien de ceux qui l’aiment, même dans le cas de la souffrance ou de la dépression.

Pour cela, il faut bien comprendre ce que sont le présent et l’éternité. Les chrétiens, y compris les pasteurs, connaissent la dépression ainsi que d’autres formes de souffrance parce que nous vivons, pour l’instant, dans le « maintenant » et dans le « pas encore ». Cependant, nous attendons avec impatience l’éternité, lorsque la mort sera vaincue et que toute larme sera essuyée.

C’est fondamental. En effet, les préceptes de l’Évangile de prospérité peuvent parfois s’immiscer dans notre perception de la dépression. Nous voyons cela à propos d’autres formes de souffrance. Nous ne pensons pas que quelqu’un souffre d’un cancer parce que c’est une punition directe du péché ou que le cancer lui-même est un péché. Mais nous pouvons, malgré tout, nous interroger sur la manière dont les choix et les comportements de la personne, qui peuvent avoir une origine pécheresse, a pu affecter sa santé: une consommation excessive d’alcool, du tabagisme ou une mauvaise alimentation.

Cependant, nous avons tendance à penser que les chrétiens, et plus particulièrement, les pasteurs ne devraient pas faire de dépression. La dépression serait la preuve d’un manque de foi. Nous pourrions même aller jusqu’à penser que si quelqu’un est déprimé, il devrait en guérir complètement.

Je refuse aussi l’hypothèse selon laquelle on ferait forcément des rechutes si on avait déjà fait une dépression. On peut se remettre d’une dépression de différentes manières. En revanche, je dirais que, souvent, les personnes soit, peuvent souffrir de dépression chronique, avec obligation de prendre des médicaments et de suivre une thérapie, soit elles ont des moments de rechute une partie de leur vie. Même si vous vous considérez comme guéri, vous sentez, malgré tout, que votre santé mentale est vulnérable et a des points faibles. Il faut donc insister sur cet aspect: comme pour toute maladie physique ou toute souffrance, le fait d’être chrétien ne protège pas miraculeusement de la dépression. De la même manière que je garde un inhalateur pour l’asthme à portée de main, peut-être faudra-t-il que j’ajoute une boîte de Sertraline.

Il faut souligner qu’une théologie erronée peut elle-même être nuisible et être le facteur déclencheur d’une dépression. Si j’entends une théologie qui oublie la vérité de la grâce de Dieu, mais insiste sur une culture de la culpabilité, de la honte et de la condamnation, cela m’encouragera à croire des mensonges sur Dieu, sur sa création, sur l’humanité et sur la nouvelle création. Une bonne théologie et un enseignement biblique fidèles font partie intégrante du remède dont nous avons surtout besoin.

Nous devons apprendre non seulement à survivre, mais aussi à être saints

C’est l’un des défis que Mike Ovey a transmis à plusieurs d’entre nous. Dans le cadre d’un conseil pastoral à l’intention de personnes souffrant de dépression, ou si nous en souffrons nous-mêmes, les deux questions suivantes sont cruciales. Que devrions-nous rechercher? Pour quoi devrions-nous prier?

Cela ne veut pas dire qu’il est mauvais de chercher à soulager la souffrance, ou de désirer la guérison. Il y a deux raisons pour lesquelles j’écris cela.

Tout d’abord, nous voyons un nombre incalculable de fois des gens prier et intercéder pour la guérison, la fécondité, pour abréger la souffrance, sortir d’une oppression sur Scripture [ndt: compte Instagram ou Tumblr]. Il est naturel et juste de crier à Dieu. Il est juste d’aspirer au jour où la souffrance aura pris fin.

Deuxièmement, même si certains soutiennent qu’il faut juste accepter la souffrance parce qu’elle fait partie intégrante d’un monde déchu, la réalité contredit ces affirmations. Ces mêmes personnes vont profiter des avantages de la technologie et de l’innovation qui rendent le travail moins pénible, l’accouchement moins dangereux et la maladie moins effrayante. Si la frustration liée à notre malédiction ne supprime pas le mandat créationnel de remplir et de soumettre la terre, elle le rend tout simplement plus difficile.

Cependant, nous voulons aller par-delà la facilité, le confort et la survie et entrevoir quelque chose de plus vaste. Pour le dire autrement:

Bien plus, nous sommes fiers même de nos détresses, sachant que la détresse produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l’épreuve, et la victoire dans l’épreuve l’espérance. – Rm 5.3-4

Ainsi nous apprenons à comprendre comment Dieu utilise notre souffrance, y compris la dépression, pour notre bien. Il l’utilise pour nous enseigner et nous discipliner. Cela devrait donc nous inciter à être plus pieux.

Nous sommes taillés et façonnés pour porter du fruit. Il est donc logique de me demander si, par le biais de ma maladie mentale, je suis devenu plus doux, plus aimable, plus bienveillant, plus maître de moi-même, plus fidèle à Dieu et aux autres. Si mes symptômes sont moins prononcés, que je suis plus heureux, plus en forme, moins anxieux, en fait, je n’aurais fait que survivre. À cet égard, la souffrance n’aura pas rempli son objectif.

Conclusion

Il n’y a rien de mal à prendre des médicaments si on est malade ou à consulter un spécialiste. Cependant, la réponse chrétienne à la maladie mentale, à la dépression et à l’anxiété devrait être plus ambitieuse. Une compréhension théologique plus profonde des causes de la dépression et des réponses à y apporter permettra de mieux équiper les pasteurs et les assemblées. Que ce soit pour ceux qui souffrent ou pour ceux qui les soignent.

Merci à Christine Davée pour la traduction de cet article. faithroot.com

Dave Williams

Dave est pasteur, blogueur, et implanteur d'Église. Il a étudié le droit à Sheffield (USA) et détient également un MSc en fabrication (Université de Bradford, 1996) et un MTh en théologie et études pastorales (2010). Il est marié, et partage son temps entre le soutien pastoral, la formation de disciples dans son Église locale, et la formation d'autres personnes pour l'implantation d'Églises en milieu urbain. Ce qui le passionne, c'est d'encourager les chrétiens à s'engager dans le ministère pastoral et de voir des Églises être implantées.

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